Page:Kufferath - Musiciens et philosophes, Tolstoï - Schopenhauer - Nietzsche - Wagner.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
– 255 –

musique. Quand on n’est pas riche, il faut être assez fier pour porter sa misère… La sympathie que Brahms, çà et là, peut nous inspirer en dehors de tout intérêt de parti ou de toute incompréhension de parti, a été longtemps une énigme pour moi, jusqu’au jour où j’ai découvert, presque par hasard, qu’il ne produit d’effet que sur un certain type d’hommes. Il a la mélancolie de l’impuissance ; il ne crée pas dans la plénitude, mais il a la soif de la plénitude. Si l’on décompte ce qu’il imite, ce qu’il emprunte aux formes stylistiques des grands maîtres anciens et des exotiques modernes (allusion sans doute aux sources tsiganes où Brahms a puisé), c’est un maître copiste, il ne lui reste d’autre propriété que le désir. C’est ce que devinent ceux qui désirent, les non-rassasiés de toute espèce. Il y a trop peu de personnalité, trop peu de foyer dans Brahms ; c’est ce que comprennent les impersonnels, les périphériques ; ils l’aiment pour cela. Il est spécialement le musicien d’un genre de femmes désabusées. Qu’on avance de cinquante pas, on aura la « wagnérienne »,