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tion, par exemple au point de vue purement musical. À grands traits, il résume ainsi sa pensée à ce sujet :

« La musique de Wagner est l’image de l’univers tel que le comprenait le grand philosophe d’Éphèse ; c’est une harmonie de contraires. J’admire ce mystérieux pouvoir de soumettre une foule de passions particulières, se développant chacune en des sens différents, à la grande ligne directrice d’une unique passion totale. C’est le pouvoir qu’a eu Wagner. Chacun des actes de ses drames constitue à la fois l’histoire particulière d’une foule d’individus et une histoire collective. Dès le début, nous nous sentons en présence de courants divergents, mais aussi d’un grand courant unique qui les contient tous. Et jamais Wagner n’est davantage lui-même que lorsque les difficultés s’amoncellent. Soumettre des masses opposées à la domination d’un rythme unique, substituer l’unité d’un même vouloir à une multiplicité grouillante de sentiments et de désirs, voilà la fonction pour laquelle il est né, et dans aucune autre il ne se sent plus à l’aise.