Page:Kufferath - Musiciens et philosophes, Tolstoï - Schopenhauer - Nietzsche - Wagner.djvu/200

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
– 194 –

grands maîtres paraissent, musicalement sans profonde signification ; mais combien ils acquièrent de puissance par le développement que leur donne la langue si caractéristique des instruments ! Malgré le vague et l’imprécision des sons, leur expression est si nette, si claire, si impérieuse que l’interprétation verbale s’y superpose instinctivement chez l’auditeur. Ceci, a-t-on déjà dit, est le procédé exact de formation de l’Art lyrique ancien et de la Chanson populaire, qui, d’expansion d’abord purement musicale ou chantante de l’âme, se fait ensuite poème et s’extériorise en paroles.

Nous comprendrons maintenant pourquoi ce phénomène, accru jusqu’à la reconstitution de la tragédie, du drame musical, n’a pu se produire chez nous qu’à la fin, et non au commencement de l’ère moderne ; c’est, d’une part, parce que le poète tragique ne pouvait se former dans un cloître ; c’est, d’autre part, parce que plus tard, lorsqu’il s’en produisit au premier éveil de l’âme moderne, à l’époque de la Renaissance, la musique instrumen-