Page:Kufferath - Musiciens et philosophes, Tolstoï - Schopenhauer - Nietzsche - Wagner.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
– 189 –

Alors que les premiers temps du christianisme avaient été d’une abondance remarquable au point de vue de la création musicale, pourquoi, dès le xe siècle, voyons-nous la faculté créatrice s’arrêter presque complètement, au point que, pendant six siècles, l’art musical demeure exclusivement un art de combinaison, retravaillant avec une ingéniosité certes intéressante, mais dénuée de tout sens poétique, des éléments qui ne varient guère ? C’est que le grand, on pourrait dire l’unique foyer d’art, pendant cette longue période, ce furent les couvent où se réfugia l’homme socratique, l’homme théorique par excellence, vivant en dehors de la nature une existence en quelque sorte négative, éloignée du tragique de la véritable vie, optimiste en son attente des félicités paradisiaques : le moine et le prêtre. Aux subtilités de leur scolastique, de leurs vaines et stériles discussions théologiques, correspondent les subtilités de la polyphonie vocale. La musique n’est pas pour eux une expression spontanée du sentiment ; elle est la pénible et laborieuse exégèse