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sont la fragile incarnation. Leurs actions sont à peine volontaires. Ils vont aveuglément à la perte, contraints par une nécessité intérieure maîtresse de leurs résolutions, pareils à l’humanité même qui suit une route implacable, où, qu’elle le veuille ou non, elle a pour compagnon éternel le Malheur. Or, voilà justement l’essence du tragique : l’insolubilité des conflits qu’il évoque à nos yeux. La tragédie a ainsi un fond infiniment lointain, son horizon est le général, l’universel, le nécessaire, l’inévitable ; le domaine de ses représentations est l’abstrait dans le concret.

C’est pourquoi le tragique a besoin d’un certain recul. Il s’appuie nécessairement sur la légende, sur le mythe, qui est lui-même une généralisation, une synthèse. La tragédie historique est une erreur, ainsi d’ailleurs et pour les mêmes raisons que l’opéra historique. L’histoire n’étude les évolutions et les révolutions de la politique qu’au point de vue de la part plus ou moins large qu’y ont prise le caprice ou les erreurs de quelques personnages ; elle s’occupe plus spécialement d’accident trop personnels