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L’envers immédiat de la comédie, le drame, dont le sujet est tiré de la vie actuelle, est un genre faux, qui ne peut nous élever complètement à la pure jouissance esthétique, parce qu’il est trop particulier, trop individuel, qu’il ne généralise pas. Les personnages de nos drames modernes sont parfaitement ridicules ; ils sont si peu susceptibles de nous émouvoir, que les maîtres du genre sont obligés d’accumuler les contrastes violents, de multiplier les horreurs pour frapper brutalement notre sensibilité ; et malgré ces artifices, notre imagination reste rebelle.

Il en va tout autrement dans la véritable tragédie. Les Grecs, avec raison, n’admettaient pas l’individualisme dans la leur. Leurs héros tragiques ne sont pas des personnages déterminés, ils sont des entités, des principes en action, des forces agissantes, des passions qui marchent, s’entrechoquent et luttent. Ils représentent non telle personnalité historique, mais des lois du Monde. Ils n’ont pas des traits personnels sur la scène, ils ont des masques, immuables comme les principes actifs dont ils