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humaine, il est la douleur même s’exprimant dans une action isolée. La mort violence d’un héros, le malheur qui accable l’individu ne sont pas tragiques s’ils nous sont représentés comme des accidents isolés. Pour devenir tragiques, il faut qu’à nos yeux, les événements se rattachent à l’idée de la Mort, incessante destructrice de la Vie, à celle du Malheur, ennemi de l’existence souriante et bonne : il faut que nous ayons le sentiment de la destinée de souffrance à laquelle est vouée l’humanité tout entière, sentiment qui se traduit d’une façon si saisissante dans la tragédie antique sous l’image de la Fatalité, de l’Anankè, de la Nécessité, à laquelle nul de nous ne se peut soustraire.

On a dit très justement que l’individu, comme tel, n’était pas tragique, mais plutôt comique. Les tableaux de mœurs contemporaines, qui ont un caractère individuel, où chacun de nous se retrouve en quelque sorte comme personne isolée et voit son sosie sur la scène, relèvent essentiellement du domaine de la comédie. On ne peut concevoir une tragédie sur un sujet moderne.