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La Musique, par cela même qu’elle nous révèle le sens éternel des choses, qu’elle supprime momentanément notre moi, qu’elle nous élève à la contemplation des êtres et de la vie en leur unité substantielle, anéantit la sensation douloureuse que nous ferait éprouver la vue des catastrophes dont la tragédie est remplie. En nous montrant la souffrance isolée des êtres vouées à la destruction, elle nous fait plus vivement sentir l’éternité de la substance. « Le héros, énergique affirmation de la Volonté de vivre, dit-il, meurt sans que nous en éprouvions une douleur, parce que nous sentons qu’il n’est qu’une apparence et que la vie éternelle de la Volonté n’est pas détruite par sa disparition. « Nous croyons en la vie éternelle, » voilà ce que nous crie la tragédie ; et la Musique est l’idée même de cette vie éternelle. »

L’explication est certes ingénieuse, plus que cela, profonde ; et je crois bien que Nietzsche a touché juste ici. Il y a, en effet, des liens étroits entre le tragique et la Musique. Le tragique est l’expression la plus élevée et la plus intense de la douleur