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triques, nécessaires, dont le rêve s’empare pour créer un monde illusoire, tout d’harmonie et de beauté, d’où la souffrance est bannie.

Ces deux éléments sont les instincts créateurs d’art (Kunsttriebe). Avec Wagner, Nietsche admet que l’art est une libération dont l’homme éprouve l’irrésistible besoin. Il reconnaît, dans ces deux instincts, l’impression du puissant désir de l’illusion, de la délivrance par l’illusion, que l’humanité porte en elle. Quel est celui d’entre nous qui, plongé dans son rêve, et tout en s’avouant que ce n’est qu’un rêve, ne souhaite pas qu’il continue et ne préfère cette vision à la réalité ?

Or, ce puissant désir, c’est la Musique qui est le plus apte à l’exprimer ou plutôt à le satisfaire. Sur ce point, tous les poètes, tous les artistes sont, au fond, d’accord avec la doctrine de Schopenhauer qui formule philosophiquement l’aveu qu’ils se font tout bas. Victor Hugo, par exemple, qui n’était rien moins qu’un esprit métaphysique, a écrit ce mot très profond : Chanter ressemble à se délivrer, sans se douter évidemment