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avaient fait d’Apollon le dieu des représentations du rêve, le dieu divinateur, en même temps que le dieu de l’Art. Il est en quelque sorte l’incarnation divine du principium individuationis, c’est-à-dire du principe de l’individualité, de la conscience personnelle.

L’élément dyonisien est justement l’opposé de ce principe. Dans l’état d’ivresse, – provoquée soit par des narcotiques dont l’effet a été chanté déjà dans les hymnes de l’humanité primitive, soit par l’approche du printemps qui pénètre d’une joyeuse activité toute la nature, – nous arrivons peu à peu au complet oubli de nous-mêmes. Dans cet état, nous dit Nietzsche, non seulement l’homme renoue l’alliance avec l’homme, mais la nature elle-même, hostile ou soumise, célèbre de nouveau sa réconciliation avec ce fils prodigue. Le char de Dyonisos est chargé de fruits et de fleurs ; sous le sceptre du dieu rampent dociles le tigre et la panthère. Cherchez à transformer l’Hymne à la joie de Beethoven en un tableau, laissez votre imagination s’exalter au moment où le poète nous montre