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qu’ils ne soient plus qu’un cœur, qu’une âme, qu’un même esprit. Partout, même affirmation du principe d’unité substantielle.

Interrogeons-nous : n’est-ce point un sentiment analogue que nous éprouvons en face d’une grande œuvre d’art ? n’est-ce pas l’effacement, l’abandon de notre personnalité, le don absolu de soi qui nous plonge dans le ravissement, qui nous semble une délivrance ? J’en appelle à tous ceux qui sont allés à Bayreuth.

À l’audition des drames de Wagner dans cet admirable cadre, nous ne sommes plus nous-mêmes ; il semble pendant quelques heures que tous les liens soient rompus entre nous et les réalités de l’existence, que nous vivions, en dehors du temps et de l’espace, d’une vie autre, dans une atmosphère plus légère ; nous n’avons plus de corps ; nous sommes de purs esprits ; c’est le ravissement absolu de l’intuition.

C’est là le triomphe de l’Art ; quand il a produit ce résultat, il a atteint le suprême degré de la jouissance esthétique, et c’est pour nous l’avoir fait éprouver souvent, et