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l’art de diriger

Il n’y a pas lieu, du reste, de s’étonner que Berlioz sur ce point ait pu faire erreur. Tous les musiciens de son époque considéraient l’allegro de la symphonie en ut comme un scherzo et l’exécutaient comme tel. Schumann[1] par exemple trouvait que le pizzicato de l’allegro avait un caractère humoristique « bien qu’il annonce quelque chose de terrible » ; la phrase interrogative des basses lui


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\clef bass
  \partial 4 g4 | f8 g a d,e f | r4 r
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semblait devoir produire un effet comique. Lui aussi appelle scherzo cet allegro qu’on ne peut plus évidemment désigner de cette appellation comme l’a fait judicieusement remarquer Marx[2], tant il diffère par le caractère du genre de morceau plus ou moins léger qu’avant Beethoven on faisait succéder à l’andante. Les traditions orchestrales semblent en ceci avoir influé sur la conception même des chefs d’orchestre et d’illustres musiciens. En portant dans l’interprétation de Beethoven les procédés d’exécution applicables à Mozart et à Haydn, on n’a pas pris garde qu’on dénaturait le caractère absolument nouveau de cet allegro. La tradition, une fois établie, s’est conservée jusqu’ici. C’était dans l’ordre. Il a fallu les clairvoyantes observations de Wagner et ses critiques fondées sur la manière superficielle d’interpréter Beethoven pour la détruire et ramener l’attention sur un détail complètement négligé jusqu’ici, malgré l’importance ca-

  1. Schumann : Das Komische in der Music, dans Gesammelte Schriften, tom. i.
  2. Ludwig van Beethoven, Leben und Schaffen