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tentent d’un à peu près et ainsi on arrive à ces exécutions sans relief et sans accent où toutes les nuances sont confondues, où tous les rythmes s’effacent.

À propos de cette troisième partie, je remarque, chose curieuse, que Berlioz emploie constamment la désignation : scherzo. C’est là une grosse erreur, car il est impossible de considérer ce morceau comme un scherzo, c’est-à-dire comme un allegro plutôt léger, plaisant, d’allure gaie (de l’italien scherzare, railler, jouer). Beethoven n’a pas employé le terme scherzo ; il écrit en tête du morceau allegro, ce qui est d’autant plus remarquable que dans toutes ses précédentes symphonies le mouvement rapide qui succède au grand mouvement lent, morceau central de la symphonie, il place soit un menuet (première et quatrième symphonie), soit un scherzo (deuxième et troisième symphonie). Ici, il ne le fait pas ; est-il admissible que ce soit sans intention ? Il est vrai que tout scherzo est nécessairement un allegro ; mais tout allegro n’est pas un scherzo. Ce dernier est le terme le plus étroit et celui, par conséquent, dont le sens est le plus précis. Beethoven ne l’a pas employé cette fois parce qu’évidemment il n’entendait pas qu’on donnât au morceau le caractère facile, aimable, inhérent à l’idée de scherzo.

Faut-il croire à une simple inadvertance de la part de Berlioz lorsqu’il fait un scherzo de l’allegro de l’ut mineur ? Ou bien n’est-ce pas plutôt que Berlioz entendait cet allegro tout autrement qu’on ne le conçoit généralement aujourd’hui ? La seconde hypothèse me paraît la plus vraisemblable. Berlioz s’explique en effet ainsi :

« C’est une étrange composition dont les premières mesures, qui n’ont rien de terrible cependant, causent cette émotion inex-