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l’art de diriger

M. Richter est de ce dernier avis, car il interdit le crescendo et maintint strictement jusqu’au bout de la phrase l’unique nuance indiquée. Il est, en effet, à remarquer que Beethoven n’a marqué ici aucun signe expressif.

Seulement M. Richter insista beaucoup pour obtenir des violons l’exécution correcte et délicate des deux notes piquées avant le point d’orgue. Le signe du staccato sur ces deux notes a une réelle importance, quoiqu’on n’y prenne pas garde généralement. Cette indication est d’autant plus digne d’attention que ces notes piquées sont en même temps liées. Les deux signes semblent contradictoires ; mais en réalité, ils ont un but très clair. Beethoven voulait là un effet de suspension en quelque sorte ; et ce lié-détaché ne peut avoir qu’un sens, c’est d’accentuer le ritardando de cette cadence.

Je me rappelle à ce propos une très intéressante conversation avec le maestro anversois Peter Benoit. Selon lui, Beethoven a voulu que cette cadence fût jouée avec une sorte d’hésitation, et c’est dans ce sens aussi qu’il interprète le mot ritardando qu’il ne faut pas confondre avec rallentando.

L’observation est très juste. Ritardare, retarder, c’est arrêter, suspendre, rompre le rythme ; rallentare, ralentir, c’est au contraire l’étendre, le prolonger, sans le briser. La différence est très sensible. Et cependant il n’est pas un seul traité, à ma connaissance, qui appelle l’attention sur cette nuance ; rallentando, ritardando, ritenuto, – encore une façon différente de graduer le ralentissement, – pour les dictionnaires de musique, les solfèges, les méthodes d’instruments, c’est à peu près la même nuance rythmique, et l’on ne prend pas la peine d’expliquer le