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riation en triple croches, doit donc être joué très doux, très lié et avec la plus grande égalité possible. C’est surtout dans les traits de ce genre qu’il importe d’obtenir de tous les exécutants qu’ils observent le même coup d’archet. Il n’y a pas d’autre moyen d’arriver à la clarté et à l’unité. Et le fait est que jamais, à Bruxelles tout au moins, on n’avait entendu cet admirable andante exécuté aussi parfaitement dans ses moindres détails, calme, transparent, vaporeux et puissant tour à tour, incomparablement animé d’un bout à l’autre d’un souffle poétique intense, grâce à la variété des nuances et des sonorités.

Dans ses éloquents commentaires sur les neuf symphonies de Beethoven, Berlioz parlant de celle en ut mineur[1] signale dans l’Andante, à la dernière rentrée du premier thème un canon à l’unisson à une mesure de distance, entre les violons et les flûtes, les clarinettes et les bassons, qui donnerait, dit-il, à la mélodie ainsi traitée un nouvel intérêt, s’il était possible d’entendre l’imitation des instruments à vent. « Malheureusement, ajoute-t-il, l’orchestre entier joue fort dans le même moment et la rend presque insaisissable. »

Il est vrai que très rarement on entend ce canon. Mais je crois que c’est plutôt parce que les chefs d’orchestre en ignorent l’existence qu’en raison du bruit de l’ensemble orchestral[2]. Il est très simple de le rendre saisissable, c’est d’indiquer aux instrumentistes le sens

  1. À travers Chants ; les Symphonies de Beethoven.
  2. Je ne me rappelle l’avoir entendu qu’une seule fois, sous la direction de M. Peter Benoit, à Bruxelles. M. Benoit faisait jouer plus piano les autres instruments.