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l’orchestre

que je pouvais ensuite laisser se gonfler tout naturellement jusqu’à la réapparition du fortissimo. Ainsi tout le motif tendre, préparé convenablement acquérait une expression passionnée et entrainante.

Autre exemple : Wagner raconte qu’à Munich il entendit un jour une exécution de l’ouverture d’Egmont de Beethoven qui ne fut pas moins instructive pour lui que ne l’avait été auparavant l’ouverture du Freyschütz.

Dans l’allegro de cette ouverture, le sostenuto redoutable et pesant de l’introduction :


\relative c'{
\time 3/2 
\clef treble
\override Staff.Rest.style = #'classical
  aes2-._\ff aes-. r4 r8 aes8 | bes2-. c-.
}


est repris en durée brèves comme première partie du deuxième thème ; un contre motif doucement reposé y répond :


\relative c'{
\time 3/4
\key aes \major
\clef treble
\override Staff.Rest.style = #'classical
  ees4_\ff ees r8 ees8 | f4 f r4 | 
  << { ees'4( bes des) } \\ { < g, ees>2._\p } >> | 
  << { ees'4( c aes') } \\ { \stemUp c, aes ees } \\ { \slurDown \stemDown aes( ees c) } >> |
}

À Munich, comme partout et d’accord avec la tradition classique, ce motif où s’opposent d’une façon si nette une terreur grave et un sentiment de bien être, était emporté comme une feuille morte dans le tourbillon d’un allegro continu ; pour ceux qui étaient assez heureux pour l’entendre, le motif avait ainsi l’air d’un pas de danse où, sur les deux premières mesures, le couple semblait prendre son élan, pour tourner ensuite sur les deux mesures suivantes comme dans un lændler (valse lente).

Quand Bulow eut un jour à diriger cette musique en l’absence du vieux chef tant fêté (Franz Lachner), je l’engageai à rendre exactement ce passage qui agit d’une manière frappante dans le sens voulu par le compositeur, si laconique en cet endroit, lorsque le mouvement jusque-là d’une animation passionnée, est modifié ne fût-ce qu’imperceptiblement, par une plus stricte observation de la mesure, de manière à donner à l’orchestre le