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poèmes symphoniques, ce sont ses douleurs secrètes qu’il chante, ses colères concentrées, ses rêveries pleines d’un accablement si triste, ses visions nocturnes, ses élans d’enthousiasme, ses désespérances ; et cela est autrement attrayant que les spéculations plus ou moins philosophiques qu’on lui prête.

Il est du reste assez compréhensible, qu’en raison du monde de sensations qu’elle évoque en chacun de nous, cette symphonie ait plus qu’une autre tenté l’interprétation littéraire. Ce qui l’est moins c’est qu’en dépit du caractère si nette expressif de ses rythmes et de ses thèmes, elle ait fait dans le passé et fasse encore dans le présent l’objet d’interprétations si dissemblables.

C’est ainsi que le thème si caractéristique du début d’où dépend l’allure de tout le premier mouvement, – allegro con brio, – a été et est encore très diversement compris.

Suivant la tradition la plus répandue, sinon la plus authentique, – rattachée précisément à l’idée du Destin, – Beethoven voulait ce début très large, presque solennel. D’illustres musiciens ont cependant compris ce début tout autrement. Ainsi Mendelssohn, d’après les souvenirs de ceux qui l’ont connu dans sa période directoriale à Leipzig, prenait le début dans un mouvement assez rapide, conformément à l’indication initiale : allegro con brio.

Jules Rietz, qui fut un des plus remarquables chefs d’orchestre de l’Allemagne il y a quelque trente ans, donnait au contraire une grande importance aux trois premières croches et prolongeait extraordinairement le point d’orgue.

Schumann, lui, était à ce point préoccupé du carac-