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l’art de diriger

Richter jouait au maître sur le piano ou l’orgue des compositions de Bach et d’anciens maîtres.

La mémoire musicale chez lui est développée à un degré prodigieux. Je me rappelle en 1876 à Bayreuth après une des représentations du Ring, l’avoir vu accomplir un véritable tour de force : le pianiste Louis Brassin jouait d’après la musique la première partie d’un arrangement de fragments des Nibelungen pour deux pianos ; Richter, sans l’ombre d’une partition sous les yeux, et, assis à un autre piano, improvisa sans une hésitation la seconde partie, ce qui suppose une connaissance de la partition absolument impeccable. Wilhelmj, le célèbre violoniste, était présent et comme on était venu à parler de Bach, tout de suis Wilhelmj prit son violon et joua quelqu’aria du vieux Kantor ; Richter accompagna de mémoire aussi aisément qu’il venait de jouer du Wagner.

On sait d’ailleurs qu’il dirige généralement sans partition. C’est ainsi qu’à Bruxelles on l’a vu conduire sans une note de musique sous les yeux, aux répétitions comme au concert, la symphonie en ut mineur de Beethoven, une fantaisie de Liszt, et les cinq pièces assez importantes de Wagner dont il a été question dans ce travail.

On me dit qu’à Londres où il a donné pendant la dernière season une série de six concerts symphoniques dont le programme allait de Bach à Brahms, en passant par Mozart, Haydn, Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Schumann, etc., on n’a pas vu une seule fois une partition sur son pupitre, même aux répétitions. En 1871, lorsqu’il vint à Bruxelles diriger la première représentation de Lohengrin au théâtre de la Monnaie, c’est de mémoire qu’il conduisit tout l’ouvrage.