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trai chez elle pour lui remettre une lettre ; je la trouvai occupée de sa toilette. Sa coiffure étoit charmante ; sa robe, simple, élégante, lui alloit à ravir. « Dites-moi sans compliment comment vous me trouvez, me demanda Valérie : je sais que je ne suis pas jolie, je voudrois seulement ne pas être trop mal, il y aura tant de femmes agréables ! — Ah ! ne craignez rien, lui dis-je, vous serez toujours la seule dont on n’osera compter les charmes, et qui ferez toujours sentir en vous une puissance supérieure au charme même. — Je ne sais pas, dit-elle en riant, pourquoi vous voulez faire de moi une personne redoutable, tandis que je me borne à ne pas vouloir faire peur. Oui, continua-t-elle, je suis d’une pâleur qui m’effraye moi-même, moi qui me vois tous les jours, et je veux absolument mettre du rouge. Il faut que vous me rendiez un service, Linar. Mon mari, par une idée singulière, ne veut pas que je mette du rouge ; je n’en ai point. Mais, ce soir au bal, paroître avec un air de souffrance au milieu d’une fête, je ne le puis pas ; je suis décidée à en mettre une teinte légère. Je partirai la première, je danserai, il ne verra rien. Faites-moi le plaisir d’aller chez la marquise de Rici ! sa campagne est à deux pas d’ici, vous lui demanderez du rouge ; mon cher Linar, dépêchez-vous, vous me ferez un grand plaisir. Passez par le jardin afin qu’on ne vous voie pas sortir. » En disant ces mots, elle me poussa légèrement par la porte. Je courus chez la