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teresse de David qui nous envoyoit des accens passionnés ; cet amour chanté par des voix qu’on ne peut imaginer, qu’il faut avoir entendues, et qui, mille fois plus ardent encore, brûloit dans mon cœur ; Valérie transportée de cette musique, et moi si près d’elle, si près que je touchois presque ses cheveux de mes lèvres ; alors, la rose même qui parfumoit ses cheveux achevoit de me troubler. Ô Ernest ! quels tumultes ! quels combats pour ne pas me trahir ! Et, actuellement encore que j’ai quitté depuis trois heures ce spectacle, je ne puis dormir ; je t’écris d’une terrasse où Valérie est venue avec le comte, et d’où elle est sortie depuis une heure. L’air est si doux que ma lumière ne s’éteint pas, et je passerai la nuit sur la terrasse. Comme le ciel est pur ! Un rossignol soupire dans le lointain ses plaintives amours ! Tout est-il donc amour dans la nature ? Et les accens de David, et la complainte de l’oiseau du printemps, et l’air que je respire, empreint encore du souffle de Valérie, et mon âme défaillante de volupté ? Je suis perdu, Ernest ! je n’avois pas besoin de cette Italie si dangereuse pour moi. Ici, les hommes énervés nomment amour tout ce qui émeut leurs sens et languissent dans des plaisirs toujours renouvelés, mais que l’habitude émousse ; ils ne reçoivent pas de l’âme cette impulsion qui fait du plaisir un délire et de chaque pensée une émotion ; mais moi, moi, destiné aux fortes passions et ne pouvant pas plus leur échapper que je ne puis