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tous les battemens de mon cœur contre la table où je suis appuyé ; je ne pourrois compter les tourmens que j’ai endurés depuis ce matin.


À six heures du soir.

Elle va mieux, elle est tranquille. Ô Valérie ! Valérie ! avois-je besoin de ces craintes pour savoir qu’il n’est plus de ressource pour moi, que je t’aime comme un insensé ! C’en est fait : il est inutile de lutter contre cette funeste passion. Ô Ernest ! tu ne sais pas combien je suis malheureux. Mais puis-je me plaindre ? elle est mieux, elle est hors de danger. Tu ne sais pas comment elle est devenue malade ; c’est une chute, mais cette chute n’eût été rien, si… Quelle agitation il m’est resté, quel supplice ! Ma tête est bouleversée ! Mais je veux absolument t’écrire ; je veux que tu saches combien je suis foible et malheureux.

Le comte m’annonça, il y a quelques jours, que nous partirions dans peu, afin d’arriver à Venise, de nous y établir ; il ajouta que Valérie avoit besoin de repos, que son état l’exigeoit. Son état ! Ernest, cela me frappa. Et quand le comte me dit qu’elle deviendroit mère, qu’il me le dit avec joie, crois-tu qu’au lieu de l’en féliciter je restois dans une espèce de stupeur ? mes bras, au lieu de chercher le comte pour l’embrasser, pour lui témoigner ma joie, se sont croisés machinalement sur moi-même ; je trouvois qu’il y avoit de la cruauté