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long », m’a-t-elle répondu. Elle regardoit autour d’elle très souvent pour voir si elle n’apercevoit pas le comte, quand un des gens est venu avertir que les chevaux étoient mis. « Et mon mari, a-t-elle demande, où est-il ? — Monsieur a pris les devans, à pied, a répondu cet homme, après avoir ordonné qu’on mît les chevaux pour que madame n’arrivât pas de nuit, à cause des mauvais chemins. — C’est bon », a dit Valérie d’une voix qu’elle cherchoit à maîtriser… Mais je m’apercevois de toute son agitation. Nous sommes entrés dans la voiture ; je me suis assis vis-à-vis d’elle. D’abord elle a été pensive ; puis elle a cherché à cacher ce qui la tourmentoit ; elle a ensuite essayé de paroître avoir oublié ce qui s’étoit passé ; elle m’a parlé de choses indifférentes ; elle a tâché d’être gaie, me racontant plusieurs anecdotes fort plaisantes sur V…, où nous devions arriver bientôt.

Je remarquois qu’elle mettoit souvent la tête à la portière pour voir si elle n’apercevroit pas le comte ; elle faisoit dire au postillon d’avancer, parce qu’elle craignoit qu’il ne se fatiguât à force de marcher. À mesure que nous avancions, elle parloit moins et redevenoit pensive : elle s’étonna de ce que nous ne rejoignions point son mari. « Il marche très vite », lui répondis-je ; mais je m’en étonnois aussi. Nous traversâmes une grande forêt : l’inquiétude de Valérie augmentoit toujours ; elle devint extrême. À la fin, elle étoit descendue ; elle devançoit les voitures, croyant se distraire par une