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pour faire naître ces grandes et profondes émotions qui nous viennent du ciel, il faut trouver sur la terre ces âmes ardentes et rares qui ont reçu la douce et peut-être la funeste puissance d’aimer comme moi.




LETTRE III

B…, le 21 mars.

Mon ami, j’ai relu ce matin ma lettre d’hier ; j’ai presque hésité à te l’envoyer : non pas que je voulusse jamais te cacher quelque chose, mais parce que je sens que tu me reprocheras avec raison de ne pas chercher, comme je te l’avois promis, à réprimer un peu ce qu’il y a de trop passionné dans mon âme. Ne dois-je pas, d’ailleurs, cacher cette âme, comme un secret, à la plupart de ceux avec qui je serai appelé à vivre dans le monde ? Ne sais-je pas qu’il n’y a plus rien de naturel aux yeux de ces gens-là que ce qui nous éloigne de la nature, et que je ne leur paroîtrai qu’un insensé en ne leur ressemblant pas ? Laisse-moi donc errer avec mes chers souvenirs au milieu des forêts, au bord des eaux, où je me crée des êtres comme moi, où je rassemble autour de moi les ombres poétiques de ceux qui chantèrent tout ce qui élève