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après moi des siècles dans ces espaces qu’on nomme des jours. Je ne souffre que de cet ennui qui est un mal affreux, de cet ennui insurmontable qui place dans une vaste uniformité tous les instans comme tous les objets. Rien ne m’émeut, pas même son idée. Je me dis : « Elle n’est plus là ! » mais à peine ai-je la force de la regretter ; je me sens mort au dedans de moi, quoique je marche et que je respire encore. Quelle est donc cette terrible maladie, cette langueur qui me fait croire que je ne suis plus susceptible de passion, ni même d’un intérêt vif ; qui me feroit envier les hommes les plus médiocres seulement parce qu’ils ont l’air d’attacher du prix aux choses qui n’en ont point ? Quand la nature, et sa grandeur, et son silence, me parloient, étoit-elle autre qu’elle n’est aujourd’hui ? Où sont-elles, les voix de la montagne, des torrens, des forêts ? Sont-elles éteintes ? ou bien l’homme porte-t-il en lui, avec la faculté de mesurer la grandeur, le pouvoir de rêver aussi d’ineffables harmonies ? Ah ! sans doute, il est un langage vivant au dedans de nous-mêmes qui nous fait entendre tous ces secrets langages. Les ondes deviennent pittoresques en réfléchissant de beaux paysages ; mais, pour les réfléchir, il faut qu’elles soient pures.

Il semble qu’un ouragan ait passé au dedans de moi et y ait tout dévasté ; et cet amour, qui crée des enchantemens, n’a laissé après lui, pour moi, qu’un désert.

Je sens que je m’abandonne moi-même. Quand