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de bien peu d’apparence. Elle a frappé un grand coup de marteau ; le jour étoit entièrement tombé. « Qui est là ? cria une voix cassée. Ah ! c’est toi, Bianca ? » En même temps la porte s’ouvrit, et je vis disparoître cette femme. Je restai anéanti de surprise à cette place, où me retenoient encore l’étonnement, la curiosité et un charme secret. « Il faut que je revoie cette femme, me disois-je… Quelle étonnante ressemblance ! Il existe donc encore un être qui a le pouvoir de faire battre mon cœur ! » Mille idées confuses s’associoient à celle-là : si je voyois partir Valérie de Venise, si je m’éloignois d’elle, comme une loi sévère me l’ordonne, alors il me resteroit quelque chose qui rendroit mes souvenirs plus vivans, un être qui auroit le pouvoir de me retracer l’image de Valérie. Ah ! sans doute jamais je ne pourrois un seul instant lui être infidèle. Mais, comme on voudroit arrêter l’ombre d’un objet aimé, quand on ne peut l’arrêter lui-même, ainsi cette femme me la rappellera. La nuit étoit venue, elle étoit sombre ; je m’étois assis sous les fenêtres du rez-de-chaussée ; je pensois à Valérie, quand j’entendis ouvrir une des jalousies ; je levai la tête, et je vis de la lumière ; une femme s’avança, s’assit sur la fenêtre ; je me doutois que c’étoit Bianca, et toute ma curiosité étoit revenue. Je sentis, après quelques minutes, quelque chose tomber à mes pieds : c’étoit des écorces d’orange que Bianca venoit de jeter. Le croirois-tu, Ernest ? l’écorce