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me permit pas d’assembler mes idées. Cependant je souffrois moins ; il me sembloit qu’en présence de l’Éternel, sans pouvoir même l’invoquer, mes peines étoient adoucies par cela seul que je les déposois dans son sein au milieu de cet asile où tant de mes semblables venoient l’invoquer. Je ne faisois que répéter ces mots : « Dieu de miséricorde !… pitié !… Valérie !… » puis je me taisois, et je sentois des larmes qui me soulageoient. Je ne sais combien de temps je restai ainsi ; quand je me levai, il me sembla que ma vie étoit renouvelée, je respirois librement, je me trouvois auprès d’un des plus beaux tableaux de Venise, une vierge de Solimène ; plusieurs cierges l’éclairoient, des fleurs fraîches encore et nouvellement offertes à la Madone mêloient leurs douces couleurs et leurs parfums à l’encens qu’on avoit brûlé dans l’église. « C’est peut-être l’amour, me disois-je, qui est venu implorer la Vierge ; ce sont deux cœurs timides et purs qui brûlent de s’unir l’un à l’autre par des nœuds légitimes. » Je soupirois profondément, je regardois la Madone ; il me sembloit qu’un regard céleste, pur comme le ciel, sublime et tendre à la fois, descendoit dans mon cœur ; il me sembloit qu’il y avoit dans ce regard quelque chose de Valérie. Je me sentois calmé. « Elle ne souffre plus, me disois-je, bientôt elle sera remise, ses traits auront repris leur douce expression. Elle me plaindra d’avoir tant souffert pour elle ; elle me plaindra, elle m’aimera peut-