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heureux que toute autre considération disparoissoit dans cet instant. Je me mis à courir par toute la maison, mon agitation ne me laissant aucun repos ; je ne sais tout ce qui se passa, mais je me trouvai à la chute du jour dans les rues de Venise, courant sans m’arrêter ; je voulus demander un verre d’eau dans un café ; je vis un homme de ma connoissance qui s’avançoit vers moi ; la crainte qu’il ne m’abordât fit que je me mis à marcher très vite du côté opposé ; mes forces s’épuisoient entièrement. Je passois devant une église ; elle étoit ouverte, j’y entrai pour me reposer. Il n’y avoit personne qu’une femme âgée qui prioit ; elle étoit devant un autel où étoit un christ ; à la foible clarté de quelques cierges, je voyois son visage où étoit répandue une douce sérénité. Ses mains étoient jointes, ses yeux envoyoient au ciel des regards où se peignoit une résignation mêlée d’une joie céleste. Je m’étois appuyé contre un des piliers de l’église, quand mes yeux s’arrêtèrent sur cette femme ; cette vue me calma beaucoup ; il me sembloit que la piété et le silence qui régnoient autour de moi abattoient la tempête de mon âme agitée. La femme se leva doucement, passa devant moi, me fixa un moment avec bienveillance ; puis elle regarda la place où elle avoit prié et reporta ses yeux sur moi ; ensuite elle baissa son voile et sortit. Je m’avançai vers cette place, je tombai à genoux, je voulus prier ; mais l’extrême agitation que je venois d’éprouver ne