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je me perds dans la foule de ce peuple ; je m’élance au delà de cette mer ; mais je ne me fuis pas moi-même. Je voulois cependant ne pas te parler de moi aujourd’hui. Je cherche à m’étourdir, et je te peins tout ce qui m’environne pour ne pas te parler d’une passion que je ne puis dompter.

Adieu, Ernest ; je sens que je te parlerois de Valérie.





LETTRE XXII


Venise, le…

Non, Ernest, non, jamais je ne m’habituerai au monde ; le peu que j’en ai vu ici m’inspire déjà le même éloignement, le même dégoût qui me poursuit toujours dès que je suis obligé de vivre dans la grande société. Tu as beau vouloir que je cherche par ce moyen à oublier Valérie ou à m’en occuper plus foiblement, y parviendrai-je jamais ? et faut-il encore altérer mon caractère, l’aigrir ? dois-je tâcher de recouvrer la tranquillité aux dépens des principes les plus consolans ? Tu le sais, mon ami, j’ai besoin d’aimer les hommes ; je les crois en général estimables, et, si cela n’étoit pas, la société depuis longtemps ne seroit-elle pas détruite ? L’ordre subsiste dans l’univers, la vertu est