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dance, tout ce qui réclame l’appui ; son corps délicat est une fleur que le plus léger souffle fait incliner, et son âme forte et courageuse braveroit la mort pour la vertu et pour l’amour. » Je prononçai ce dernier mot en tremblant, épuisé par la chaleur avec laquelle j’avois parlé, ne sachant moi-même jusqu’où m’avoit conduit mon enthousiasme. Je tremblois qu’elle ne m’eût deviné, et j’appuyois ma tête contre un des carreaux de la fenêtre, attendant avec anxiété le premier son de sa voix. « Sait-elle que vous l’aimez ? me dit Valérie, avec une ingénuité qu’elle n’auroit pu feindre. — Oh ! non, non, m’écriai-je, j’espère bien que non ; elle ne me le pardonneroit pas. — Ne le lui dites jamais, dit-elle ; il doit être affreux de faire naître une passion qui rend si malheureux. Si jamais je pouvois en inspirer une semblable, je serois inconsolable ; mais je ne le crains pas, et cela me console de ne pas être belle. » Je m’étois remis de mon trouble. « Croyez-vous, Madame, que ce soit la beauté seule qui soit si dangereuse ? Regardez milady Erwin, la marquise de Ponti : je ne crois pas qu’un statuaire puisse imaginer de plus beaux modèles ; cependant on vous disoit encore hier que jamais elles n’avoient excité un sentiment vif ou durable. Non, poursuivis-je, la beauté n’est vraiment irrésistible qu’en nous expliquant quelque chose de moins passager qu’elle, qu’en nous faisant rêver à ce qui fait le charme de la vie au delà du moment fugitif où nous