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comte, nous avoient aidés à exécuter mon plan ; on avoit peint ce lac, cette barque où elle conduisoit ses sœurs ; ces pins avec leurs formes pyramidales où se balançoient de jeunes écureuils ; ces sorbiers, amis de la jeune Valérie, et cette heureuse maison, à moitié cachée par les arbres, où elle avoit passé ses premiers jours de bonheur : tout cela étoit éclairé par la lune qui versoit sa tranquille clarté et de longs jets de lumière sur de jeunes bouleaux, sur les joncs du lac qui paroissoient frémir et murmurer et sur d’aromatiques calamus. Tu ne conçois pas avec quelle perfection Voléro a imité les clairs de lune : on la voyoit lutter avec les mystères de la nuit ; on entendoit aussi dans le lointain les airs de nos pâtres ; j’avois fait imiter leurs chalumeaux, et ces sons errans, qui tantôt s’affoiblissoient et tantôt devenoient plus forts, avoient quelque chose de vague, de tendre et de mélancolique.

Il y avoit le long de la salle des bancs de gazon et de larges bandes de fleurs : toutes ces fleurs étoient blanches ; il m’avoit semblé que cette couleur virginale peignoit celle à qui elles étoient venues se donner ; le jasmin d’Espagne, les roses blanches, des œillets, des lis purs comme Valérie, s’élevoient partout dans des caisses cachées sous le parquet gazonné, et son chiffre et celui du comte, simplement enlacés, étoient suspendus à un pin naturel, planté près de l’endroit du lac où Valérie avoit dit pour la première fois au comte qu’elle consentoit à devenir sa femme. Dis, Ernest, dis,