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tout en courant, et se trouva sur mes pas quand je frappai à la porte du chirurgien, qui demeuroit près de Dole, petit bourg voisin.

Qu’elle me parut irrésistible, Ernest ! Ses traits exprimoient une inquiétude si touchante ! Son âme entière étoit sur son charmant visage. Ce n’étoit plus cette Valérie enchantée de sa parure et attendant avec impatience un petit triomphe ; c’étoit la sensible Valérie, avec toute sa bonté, toute son imagination, portant le plus tendre intérêt et toutes les craintes d’une âme susceptible de vives émotions, sur l’objet qu’elle aimoit et qu’elle auroit aimé sans le connoître dans ce moment-là, puisqu’il étoit en danger. Heureusement Marie ne souffroit pas beaucoup, et l’on parvint à retirer l’épingle. La comtesse leva vers le ciel ses beaux yeux remplis de larmes et le remercia avec la plus vive reconnoissance. Après avoir bien fait promettre à Marie qu’elle ne feroit plus la même imprudence, nous regagnâmes la campagne de la marquise ; elle-même venoit à notre rencontre.

Quand nous arrivâmes, tous les yeux se portèrent sur nous ; les femmes chuchotoient : les unes plaignoient Valérie d’avoir si chaud ; les autres s’attendrissoient sur cette charmante robe que les ronces avoient abîmée, et qui méritoit plus d’égards. Valérie commençoit à s’embarrasser ; sa jeunesse et sa timidité l’empêchoient de prendre le ton qui lui convenoit ; elle paroissoit attendre que le comte parlât pour la tirer de cette situation gênante ;