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leurs familles que le samedi soir. Le lundi matin, dès le lever du soleil, une voiture fait le tour des villages et les ramène à la fabrique. Cette vie de caserne a tôt fait de rendre les jeunes filles inaptes au travail des champs. Et lorsqu'elles sont devenues des femmes, elles découvrent qu'elles ne peuvent subvenir à leurs besoins avec les salaires de famine payés par la fabrique. Mais elles ne peuvent plus revenir à la vie paysanne. Il est facile de voir quels ravages la fabrique exerce ainsi dans les villages et combien précaire est son existence même, basée qu'elle est sur les salaires très bas offerts aux jeunes villageoises. Elle détruit la famille paysanne, elle rend la vie du travailleur des villes encore plus précaire à cause de la concurrence qui lui est ainsi faite ; et l'industrie même est dans un état perpétuel d'instabilité.

C'est probablement pour cette raison que le tissage à la main se maintient si courageusement jusqu'aujourd'hui dans des villages, où la terre, remarquons-le en passant, est généralement bien cultivée. Ainsi Panissières est un centre pour le tissage à la main du linge de table et du linge de toilette. On y tisse aussi de la soie ; d'ailleurs, « toute la montagne, dit M. Ardouin-Dumazet. dans cette partie des monts du Lyonnais, compte bien peu de maisons sans atelier ; le propriétaire rural qui fait construire une ferme, le débitant qui choisit une croisée de