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Durant des siècles la science et ce qu'on appelle la sagesse pratique ont dit à l'homme : « Il est bon d'être riche, de pouvoir satisfaire au moins ses besoins matériels ; mais le seul moyen de s'enrichir, c'est d'exercer son esprit et ses facultés à forcer d'autres hommes, esclaves, serfs ou salariés, à produire des richesses pour vous. Il n'y a pas de choix : Ou bien il faudra rester dans les rangs des paysans et des artisans qui, quoi que les économistes puissent leur promettre dans l'avenir, sont pour le moment condamnés à souffrir la faim après chaque mauvaise récolte ou pendant leurs grèves, et à être fusillés par leurs propres fils le jour où ils perdront patience. Ou bien il vous faudra exercer vos facultés à commander militairement aux masses, vous préparer à être l'un des rouages du mécanisme gouvernemental de l'État, ou encore à devenir un gérant, un administrateur dans le commerce ou l'industrie. » Pendant des siècles, il n'y avait pas d'autre alternative, et les hommes suivaient ce conseil, sans trouver dans cette voie le bonheur, ni pour eux-mêmes, ni pour leurs enfants, ni pour ceux qu'ils prétendaient préserver de pires infortunes.

Mais la science moderne ouvre une autre issue aux hommes qui réfléchissent. Elle leur dit que pour devenir riches il ne leur est pas nécessaire d'arracher le pain de la bouche des autres. La solution rationnelle serait une société où les hom-