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M. Smiles, les vrais créateurs de la civilisation moderne. Et pendant ce même temps les hommes de science, pourvus de tous les moyens nécessaires pour acquérir de nouvelles connaissances et instituer des expériences, ne peuvent revendiquer qu'un bien petit nombre d'inventions dans la masse formidable des outils, des machines, des moteurs qui ont permis à l'humanité d'utiliser et de domestiquer les forces de la nature[1].

Ce fait est frappant, mais la raison en est très simple : ces hommes — les Watt et les Stephenson — savaient faire une chose que les savants ignorent ; ils savaient se servir de leurs mains. Le milieu où ils vivaient stimulait leurs facultés inventives ; ils connaissaient les machines, leurs principes fondamentaux, leur fonctionnement ; ils avaient respiré l'atmosphère de l'atelier et du chantier.

Nous savons comment les savants vont répondre au reproche. Ils diront : « Nous découvrons les lois de la nature. Que d'autres les appliquent ! C'est là une simple division du travail. » Mais

  1. La chimie nous offre, généralement parlant, une exception à cette règle. Ne serait-ce pas parce que le chimiste est dans une grande mesure un travailleur manuel ? — Il faut dire cependant que vers la fin du XIXe siècle (1880-1900) il s'est produit un renouveau indiscutable de l'esprit d'invention scientifique, surtout dans le domaine de la physique, — branche où l'ingénieur et le savant ont tant d'occasions de se rencontrer.