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vous verrez que c'est bien là l'objet de leurs plaintes : « L'ouvrier, dont la tâche a été spécialisée par la division du travail, a perdu, nous disent-ils, toute curiosité d'esprit pour son travail, et cela surtout dans la grande industrie : il a perdu ses facultés inventives. Autrefois, il inventait beaucoup.

« Ce sont des ouvriers manuels, non des savants ou des ingénieurs, qui ont imaginé ou porté à la perfection les moteurs et toutes ces machines qui révolutionnèrent l'industrie au cours des cent dernières années. Mais depuis que le règne de la grande usine a commencé, l'ouvrier, déprimé par la monotonie de son travail, n'invente plus. Que pourrait inventer un tisserand qui ne fait que surveiller quatre ou dix métiers, mécaniques, sans rien savoir de leurs mouvements compliqués, ni des perfectionnements successifs qui ont fait de ces machines ce qu'elles sont actuellement ? Que saurait inventer un homme, condamné à perpétuité dans une fabrique de dentelles à rattacher les extrémités de deux fils, aussi vite que possible, et qui ne sait faire autre chose qu'un nœud ?

« Au début de l'industrie moderne, trois générations d'ouvriers ont fait des inventions ; aujourd'hui, ils cessent d'inventer. Quant aux inventions des ingénieurs, spécialement instruits pour imaginer des machines, elles sont dépourvues de génie ou pas assez pratiques. Ce qui