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de mine, ou bien il fabriquera un ressort de couteau, ou encore exécutera « la dix-huitième partie d’une épingle ». Ce n’est plus que le serviteur d’une machine d’un certain type, qu’un rouage vivant, en chair et en os, d’un immense mécanisme, n’ayant aucune idée du pourquoi ni du comment des mouvements rythmiques de sa machine.

L’artisan habile n’est plus qu’une survivance d’un passé, condamné, nous dit-on, à disparaître. À l’artiste qui trouvait une joie esthétique dans le travail de ses mains doit être substitué l’esclave humain d’un esclave d’acier. Et l’ouvrier des champs lui-même, qui autrefois se reposait des fatigues de son dur labeur dans la maison de ses ancêtres, futur foyer de ses enfants, dans son amour de sa terre, et dans un commerce intime avec la nature, l’ouvrier des champs n’est-il pas condamné à disparaître par la loi de la division du travail ? On nous dit qu’il n’est plus qu’un anachronisme. Dans les fermes du Far West américain on le remplace déjà par un serviteur occasionnel loué pour la saison d’été et congédié à l’automne, un chemineau qui jamais ne reverra le champ où, une fois dans sa vie, il fit la moisson. « Dans quelques années, ce sera un fait accompli, » nous dit l’économiste, « l’agriculture se transformera aussi selon les vrais principes de la division du travail et de l’organisation industrielle moderne ».