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guées de leurs excursions de dilettanti sur ces mêmes domaines, que Malthus vint affirmer, en réponse à Godwin, que l'égalité est chose impossible, que la pauvreté de tant de gens n'est pas due aux institutions, mais représente l'effet d'une loi naturelle. La population, écrivait-il, s'accroît trop rapidement, et les nouveaux venus ne trouvent pas de place au banquet de la nature ; aucun changement dans les institutions ne pourra modifier cette loi. Il fournissait ainsi aux riches une espèce d'argument scientifique contre les idées égalitaires, et nous savons que si tout pouvoir est fondé sur la force, la force elle-même commence à trembler dès qu'elle n'est plus soutenue par une ferme croyance en la légitimité de son droit.

Quant aux classes pauvres qui ressentent toujours l'influence des idées circulant à un moment donné parmi les classes aisées, cette doctrine leur enlevait l'espoir même d'une amélioration ; elle les rendait sceptiques devant les promesses des réformateurs sociaux, et jusqu'à ces temps-ci les réformateurs les plus hardis ont eu des doutes sur la possibilité de satisfaire les besoins de tous, puisqu'une amélioration du bien-être des travailleurs aurait pour résultat un accroissement immédiat de la population.


La science, jusqu'à ces derniers temps, est restée toute pénétrée des enseignements de Malthus.