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travail ? Leurs salaires en argent sont certainement beaucoup plus bas, mais cette différence est compensée dès que nous calculons les salaires en produits du sol. Les 15 francs par semaine de l'ouvrier agricole anglais représentent la même quantité de blé en Angleterre que les 7 fr. 50 du laboureur russe représentent en Russie, et nous ne tenons pas compte du bon marché de la viande en Russie ni du taux modéré des loyers. Le cultivateur russe reçoit donc, estimé en produits du sol, le même salaire que le cultivateur anglais[1].

Quant à la prétendue fertilité prodigieuse du sol des prairies russes, c'est un préjugé. Des récoltes de 14 hectolitres à 20 hectolitres par hectare sont considérées comme bonnes en Russie, et la moyenne atteint à peine 11 hectolitres et demi, même dans les provinces qui exportent du blé. En outre, la somme de travail nécessaire pour produire du blé en Russie, sans machines à battre, avec une charrue tirée par un

  1. Il résulte des chiffres détaillés donnés par le Ministère de l'Agriculture (L'Année 1885 au point de vue agricole, vol. II), que le salaire moyen des ouvriers agricoles variait de 180 kopecks (4 fr. 70) par semaine dans la Russie centrale à 330 kopecks (8 fr. 25) dans la zone exportatrice de blé, et de 6 fr. 85 à 13 fr. pendant la moisson. Depuis 1885, les salaires ont augmenté dans les deux pays ; le salaire moyen du paysan anglais était pour 1896 de 17 francs. Si le paysan russe est si misérable en comparaison de l'agriculteur anglais, la raison en est principalement l'impôt personnel excessivement élevé et plusieurs autres causes qu'on ne peut traiter ici incidemment.