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la première classe, telle était la base du système sur lequel s’appuyait sa discipline.

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Cependant un nouvel esprit d’indépendance s’éveillait dans l’école, et quelques moins avant mon entrée une révolution avait eu lieu. Cette année-là, la troisième était différente de ce qu’elle avait été jusqu’alors. Elle comptait un certain nombre de jeunes gens qui étudiaient réellement et lisaient beaucoup ; quelques-uns devinrent par la suite des hommes de valeur. Je fis la connaissance de l’un d’eux — nous l’appellerons von Schauff — au moment où il lisait la Critique de la Raison pure de Kant. D’autre part il y avait parmi eux quelques-uns des élèves les plus forts de l’école. L’élève le plus grand de l’établissement se trouvait dans cette classe, de même que le plus robuste, Kochtov, un grand ami de von Schauff.

Ces élèves de troisième ne supportèrent pas le joug des pages de chambre, avec la même docilité que leurs prédécesseurs ; ils étaient dégoûtés de ce qui se passait, et à la suite d’un incident que je préfère passer sous silence, une bataille eut lieu entre la troisième et la première, et les pages de chambre reçurent une volée sérieuse de leurs subordonnés. Girardot étouffa l’affaire, mais c’en était fait de l’autorité de la première classe. Les fouets en élastique restèrent, mais on s’en ne servit plus jamais. Le cirque et ce qui s’en suivait étaient devenus des choses du passé.

C’était déjà un grand progrès, mais la dernière classe, la cinquième, composée presque entièrement de jeunes enfants nouvellement entrés à l’école devait toujours obéir aux caprices des pages de chambre. Nous avions un très beau jardin, plein de vieux arbres, mais les élèves de la cinquième ne pouvaient guère en jouir ; on les forçait à faire tourner un carrousel, pendant que les élèves de la première étaient assis au milieu, ou bien on leur faisait renvoyer les boules quand ces messieurs jouaient aux quilles. Quelques jours après mon entrée,