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nouvelle, toutes sortes de choses sur les conditions de la vie, et touche à mille questions qu’on ne pourrait traiter autre part, voilà ce qui fait l’âme d’une revue russe. Ils avaient un critique et nous n’en avions pas ! Par bonheur, l’article qu’il écrivit pour le premier numéro fut montré à mon frère. C’était plutôt prétentieux et faible, et Alexandre écrivit immédiatement une contre-critique, ridiculisant et démolissant la critique d’une manière violente. Il y eut une grande consternation dans le camp rival quand on apprit que cette contre-critique paraîtrait dans notre prochain numéro. Ils renoncèrent à publier leur revue et les meilleurs écrivains entrèrent dans notre comité de rédaction. Triomphalement nous annonçâmes qu’à l’avenir nous aurions la « collaboration exclusive » de tant d’écrivains distingués.

Au mois d’août 1857, la revue dut cesser de paraître, après environ deux ans d’existence. Un nouveau milieu et une vie nouvelle m’attendaient. Je quittai la maison avec d’autant plus de regret que toute la distance de Moscou à Pétersbourg me séparerait d’Alexandre et que je considérais déjà mon entrée dans une école militaire comme un malheur pour moi.