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activité à Paris, lorsque nous y vînmes de Clairvaux. Louise Michel faisait tous les soirs des conférences, et provoquait l’enthousiasme de ses auditeurs, qu’ils appartinssent à la classe ouvrière ou à la classe moyenne. Sa popularité déjà si considérable grandissait encore et gagnait les étudiants de l’Université, qui étaient peut-être hostiles aux idées avancées, mais qui estimaient en elle la femme idéale. C’était au point qu’une rixe éclata un jour dans un café, parce que quelqu’un avait parlé irrespectueusement de Louise Michel devant des étudiants. Les jeunes gens prirent sa défense et il en résulta une bataille, au cours de laquelle toutes les tables et tous les verres qui s’y trouvaient furent brisés. Je fis aussi une conférence sur l’anarchie devant un auditoire de plusieurs milliers de personnes et je quittai Paris aussitôt après, avant que le gouvernement pût céder à la pression exercée par la presse réactionnaire et russophile, qui réclamait avec insistance mon expulsion de France.

De Paris je me rendis à Londres où je retrouvai mes deux vieux amis, Stepniak et Tchaïkovski. Le mouvement socialiste était en plein essor et la vie de Londres n’était plus cette existence ennuyeuse et végétative que j’avais connue quatre ans auparavant.

Nous nous fixâmes dans un petit cottage à Harrow. Nous nous préoccupâmes peu de le meubler ; je fis moi-même une bonne partie des meubles avec l’aide de Tchaïkovski qui avait été entre-temps aux États-Unis et y avait appris un peu la menuiserie. Mais nous nous réjouîmes beaucoup, ma femme et moi, d’avoir dans notre jardin une petite pièce de cette argile grasse du Middlesex. Nous nous livrâmes avec enthousiasme à la culture potagère, et les résultats, que faisaient prévoir l’ouvrage de Toubeau et la connaissance que je fis à Paris de quelques maraîchers, ne se firent pas attendre. Je tirai aussi quelque profit de l’expérience que j’avais acquise en faisant du jardinage à la prison de Clairvaux. Quant à ma femme, qui avait eu la fièvre typhoïde peu de temps après notre installation à Harrow, le jardinage,