Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/521

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Chapitre IX


LE « VOL » DE LOUISE MICHEL. — ELIE RECLUS. — JE ME FIXE A HARROW. — TRAVAUX SCIENTIFIQUES DE MON FRÈRE ALEXANDRE. — SA MORT.


On ne cessait de demander dans la presse et à la Chambre des Députés notre mise en liberté, d’autant plus qu’à peu près à la même époque Louise Michel avait été aussi condamnée — pour vol. Louise Michel, qui donne littéralement son dernier châle ou son manteau à un indigent et que l’on ne put jamais décider pendant son emprisonnement à prendre une nourriture meilleure, parce qu’elle donnait toujours à ses codétenus tout ce qu’on lui envoyait, Louise Michel fut condamnée avec un autre camarade, Pouget, à neuf ans de prison pour vol sur la voie publique. Cela sonnait trop mal même pour les oreilles des opportunistes de la bourgeoisie. Elle marchait un jour en tête d’une colonne d’ouvriers sans travail et étant entrée dans une boulangerie, elle prit quelques pains et les distribua à ses compagnons affamés : c’était là son vol. L’élargissement des anarchistes devint ainsi un cri de guerre contre le gouvernement et à l’automne de 1885, tous mes camarades sauf trois furent remis en liberté par un décret du président Grévy. On réclama alors encore plus bruyamment la