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Chapitre VI


UNE ANNÉE A LONDRES. — PREMIERS SYMPTÔMES DU RÉVEIL DE L’ESPRIT SOCIALISTE EN ANGLETERRE. — DÉPART POUR THONON. — LES MOUCHARDS. — COMPROMIS D’IGNATIEV AVEC LES TERRORISTES. — LA FRANCE EN 1881-82. — MISÈRE DES TISSEURS DE LYON. — EXPLOSION DANS UN CAFÉ DE LYON. — MON ARRESTATION ET MA CONDAMNATION.


Au mois d’octobre ou de novembre 1881, dès que ma femme eut passé son examen, nous partîmes de Thonon pour Londres, où nous restâmes près de douze mois. Peu d’années nous séparent de ce temps et pourtant je puis dire que la vie intellectuelle de Londres et de toute l’Angleterre était alors toute différente de ce qu’elle devint un peu plus tard. On sait que de 1840 à 1850 l’Angleterre était presque à la tête du mouvement socialiste en Europe ; mais durant les années de réaction qui suivirent, ce grand mouvement, qui avait affecté si profondément les classes ouvrières, et proclamé déjà tout ce qui est actuellement connu sous le nom de socialisme scientifique et d’anarchie, subit un arrêt soudain. Il fut oublié en Angleterre aussi bien que sur le continent, et ce que les écrivains français décrivent comme « le troisième réveil du prolétariat » n’avait pas encore