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envoyée de Pétersbourg à Genève pour y être le chef de la conspiration. Je fis simplement part du fait au correspondant genevois du Times en le priant de publier l’affaire si quelque chose venait à se passer, et j’écrivis une courte note à cet effet dans le Révolté. Après cela je ne me tracassai plus à ce sujet. Mais ma femme ne prit pas la chose si légèrement, et une bonne paysanne, madame Sansaux, qui nous donnait pension et logement à Thonon, et qui avait appris le complot par une autre voie (par une sœur qui était nourrice dans une famille d’un agent russe), prit soin de moi de la manière la plus touchante.

Sa maison était située en dehors de la ville, et chaque fois que j’allais le soir à Thonon elle trouvait toujours un prétexte pour me faire accompagner par son mari avec une lanterne. « Attendez donc un instant, monsieur Kropotkine, me disait-elle ; mon mari y va aussi pour faire ses achats, et vous savez qu’il porte toujours une lanterne. » Ou bien elle chargeait son frère de me suivre à distance, sans que je m’en aperçusse.