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Mais il entrait naturellement dans les plans de la police pétersbourgeoise de prétendre qu’elle était impuissante à protéger la vie du tsar, parce que tous les complots étaient ourdis à l’étranger, et ses espions, — je le sais très bien, — la pourvoyaient de tous les rapports désirés.

Skobelev, le héros de la guerre turque, fut aussi invité à entrer dans la Ligue, mais il refusa carrément. On sait par les papiers posthumes de Loris Mélikov, dont une partie a été publiée à Londres par un de ses amis, que lorsque Alexandre III monta sur le trône et qu’il hésitait à convoquer l’Assemblée des Notables, Skobelev offrit à Loris Mélikov et au comte Ignatiev (le Pacha Menteur, comme l’appelaient en plaisantant les ambassadeurs à Constantinople) d’arrêter le tsar et de l’obliger à signer un manifeste constitutionnel. Mais on prétend qu’Ignatiev dénonça le plan au tsar et qu’il obtint ainsi sa nomination de premier ministre. C’est en cette qualité que, sur les conseils de M. Andrieux, l’ex-préfet de police de Paris, il eut recours à divers stratagèmes pour paralyser l’action des révolutionnaires.

Si les libéraux Russes avaient montré alors un certain courage et avaient disposé d’une organisation suffisamment puissante, une Assemblée Nationale aurait été convoquée. Il ressort des mêmes papiers posthumes de Loris Mélikov, qu’Alexandre III fut disposé pendant quelques semaines à convoquer une Assemblée Nationale. Il s’était décidé à le faire et l’avait annoncé à son frère. Le vieux Guillaume Ier le fortifiait dans cette intention.

Ce fut seulement quand il vit que les libéraux ne bougeaient pas, tandis que le parti de Katkov travaillait activement en sens contraire — M. Andrieux lui conseillant aussi d’anéantir les nihilistes et lui indiquant les moyens de le faire (la lettre de l’ex-préfet a été publiée dans les papiers en question) — ce fut seulement alors qu’Alexandre III se décida finalement à déclarer qu’il continuerait à gouverner l’empire en monarque absolu.

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Quelques mois après la mort d’Alexandre II, je fus