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les plus avancées de sérieux essais dans le sens collectiviste. Ce fut cette menace permanente qui empêcha la monarchie espagnole de supprimer toutes les organisations de paysans et d’ouvriers et d’inaugurer une réaction franchement cléricale.

Des conditions analogues existaient aussi en Italie. Les syndicats du nord de l’Italie n’avaient pas encore la puissance qu’ils ont actuellement ; mais certaines régions d’Italie fourmillaient de sections de l’Internationale et de groupes républicains. La monarchie était sous la continuelle menace d’un renversement, si les républicains de la classe moyenne venaient à faire appel aux éléments révolutionnaires de la classe ouvrière.

Bref, en jetant un regard en arrière sur ces années, dont près d’un quart de siècle nous sépare maintenant, je suis fermement persuadé que si l’Europe ne traversa pas une période de réaction terrible après 1871, elle le dut surtout à l’esprit qui s’était éveillé dans l’Europe occidentale avant la guerre franco-allemande et qui s’était conservé chez les internationalistes anarchistes, les Blanquistes, les Mazzinistes et les républicains « cantonalistes » d’Espagne.

Naturellement, les Marxistes, absorbés par leurs luttes électorales locales, s’occupaient peu de cette situation. Préoccupés de détourner de leurs têtes les foudres de Bismark et craignant avant tout qu’un esprit révolutionnaire ne fît son apparition en Allemagne et n’attirât des mesures de répression qu’ils n’avaient pas la force de braver, ils répudiaient, par tactique, non seulement toute sympathie pour les révolutionnaires de l’ouest de l’Europe, mais ils se laissaient peu à peu animer d’une véritable haine contre l’esprit révolutionnaire en général. Ils le dénonçaient avec virulence partout où il se signalait, — même quand ils en remarquèrent les premiers signes en Russie.

Aucun journal révolutionnaire ne pouvait être imprimé en france à cette époque, sous le maréchal Mac-Mahon. Chanter la Marseillaise était considéré comme un