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sauf en Angleterre. Quant à mes scrupules, il me fit remarquer justement que je n’avais besoin ni de blâmer ni de louer l’auteur, mais de raconter simplement aux lecteurs ce que les livres contenaient.

A partir de ce jour commença entre nous une amitié qui dure encore.

* * *

En novembre ou décembre 1876, je remarquai dans le journal de P. L. Lavrov, sous la rubrique « Boîte aux Lettres » un avis à K., le priant de passer au bureau du journal pour retirer une lettre venant de Russie. Pensant que l’avis était pour moi, je me rendis au bureau, et bientôt des relations amicales s’établirent entre le directeur du journal, les jeunes gens qui l’imprimaient et moi.

Quand je me présentai pour la première fois au bureau du journal — ma barbe rasée et mon chapeau haut de forme sur la tête — et que je demandai dans mon plus pur anglais à la dame qui m’avait ouvert la porte : « M. Lavrov est-il là ? », je m’imaginais que personne au monde ne reconnaîtrait qui j’étais, avant que j’eusse dit mon nom. Il paraît cependant que la dame, — qui ne me connaissait pas du tout, mais qui connaissait bien mon frère quand il demeurait à Zurich — me reconnut tout de suite ; elle monta l’escalier en courant pour dire qui était le visiteur. Elle me dit ensuite : « Je vous ai reconnu immédiatement à vos yeux, qui me rappelaient ceux de votre frère. »

Mon séjour en Angleterre fut alors de courte durée. J’entretenais une correspondance active avec mon ami James Guillaume, de la Fédération Jurassienne et dès que j’eus trouvé un travail de géographie suivi, que je pouvais faire en Suisse aussi bien qu’à Londres, je partis pour ce pays. Les dernières lettres que j’avais reçues de la maison me disaient que je ferais aussi bien de rester à l’étranger, car il n’y avait rien de particulier à faire en Russie.

Un souffle d’enthousiasme passait alors sur le pays en