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une souris dans une souricière, sans la blesser. En même temps je devais sauter par la fenêtre. Mais une meilleure solution se présenta d’une façon inattendue.

« Demandez la permission de sortir pour faire une promenade », me murmura un jour un des soldats. C’est ce que je fis. Le médecin appuya ma demande et chaque après-midi à quatre heures, je fus autorisé à me promener pendant une heure dans la cour de la prison. Je devais garder la robe de chambre de flanelle verte portée par les malades de l’hôpital, mais on me rendait tous les jours mes bottes et mon pantalon.

Je n’oublierai jamais ma première promenade. Quand on me fit sortir, j’aperçus devant moi une cour, longue d’au moins trois cents mètres et large de plus de deux cents, toute couverte de gazon. La porte cochère était ouverte et je pouvais voir à travers la rue l’immense hôpital situé en face, et les gens qui passaient devant. Je m’arrêtai sur les marches de la prison, incapable de faire un mouvement à la vue de cette cour et de cette porte ouverte.

A l’une des extrémités de la cour était la prison — un étroit bâtiment d’environ cent cinquante pas de long, flanqué à chaque extrémité d’une guérite. Les deux sentinelles montaient la garde devant le bâtiment et leurs allées et venues avaient tracé un sentier dans l’herbe. On me dit de me promener le long de ce sentier, tandis que les sentinelles continuaient à aller et venir, de sorte que je n’étais jamais à plus de dix ou quinze pas de l’une ou de l’autre. Trois soldats de l’hôpital s’étaient assis sur les marches de la porte.

A l’autre extrémité de cette vaste cour, on déchargeait d’une douzaine de charrettes du bois de chauffage que des paysans empilaient le long du mur. Toute la cour était entourée d’une haute palissade de planches épaisses. La porte cochère restait ouverte pour faire entrer et sortir les charrettes.

Cette porte me fascinait. « Je ne dois pas la fixer ainsi, » me dis-je, et pourtant je ne pouvais en