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où je puisse parler publiquement, je ne vous donnerai aucune espèce de réponse.

— Écrivez, dicta le procureur à son greffier, qu’il ne se reconnaît pas coupable. Je dois encore vous poser certaines questions, continua-t-il après un silence. Connaissez-vous une personne du nom de Nicolas Tchaïkovsky ?

— Si vous persistez dans vos questions, écrivez « Non » à toutes celles qu’il vous plaira de me poser.

— Mais si je vous demande si vous connaissez, par exemple, M. Polakov, dont vous avez parlé il y a un moment ?

— Dès que vous me posez une pareille question, je n’hésite pas, écrivez : « Non. » Et si vous me demandez si je connais mon frère, ou ma sœur, ou ma belle-mère, écrivez : « Non. » Vous n’aurez pas de moi une autre réponse ; car si je répondais « Oui » au sujet de quelqu’un, vous prépareriez aussitôt quelque méchante affaire contre lui, vous feriez chez lui une descente de police ou quelque chose de pire et vous diriez ensuite que je l’ai nommé. »

On me lut un long questionnaire auquel je répondis patiemment. « Écrivez : Non. » Cela dura une heure, pendant laquelle j’appris que tous ceux qui avaient été arrêtés, à l’exception des deux tisserands, s’étaient bravement comportés. Ceux-ci savaient seulement que je m’étais rencontré deux fois avec une douzaine d’ouvriers, et les gendarmes ne savaient rien de notre cercle.

— Que faites-vous, prince ? me dit un officier de gendarmerie, en m’amenant dans ma cellule. On va se faire une arme terrible contre vous de votre refus de répondre aux questions.

— C’est mon droit, n’est-ce pas ?

— Sans doute, mais — vous savez... J’espère que vous trouverez votre chambre confortable. On y a fait du feu depuis votre arrestation...

Je la trouvai très confortable et j’y dormis d’un profond sommeil. Je fus éveillé le lendemain matin par un