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Chaque nation, chaque région séparée et même chaque section locale restait libre de se développer suivant ses propres principes. Mais les révolutionnaires de la vieille école qui appartenaient à la classe moyenne et étaient entrés dans l’Internationale, imbus des idées d’autrefois sur les sociétés secrètes, centralisées et hiérarchiquement organisées, avaient apporté ces idées avec eux dans l’Association Internationale.

A côté des conseils fédéraux et nationaux, un conseil général était établi à Londres pour constituer une sorte d’intermédiaire entre les conseils des différentes nations. Marx et Engels en étaient les esprits directeurs. Mais on s’aperçut bientôt que le simple fait d’avoir une organisation centrale devenait une source de difficultés considérables.

Le conseil général n’était pas satisfait de jouer le rôle de bureau central de correspondance ; il prétendait diriger le mouvement, approuver ou critiquer l’action des fédérations et des sections locales et même des membres individuels. Quand l’insurrection de la Commune commença à Paris — et que les chefs n’avaient qu’à obéir, sans pouvoir dire où le peuple les mènerait dans les vingt-quatre heures, — le conseil général prétendit diriger de Londres l’insurrection. Il réclamait des rapports journaliers sur les événements, donnait des ordres, approuvait ceci et désapprouvait cela, mettant ainsi en évidence l’inconvénient qu’il y a à avoir un centre de direction, même dans une association révolutionnaire. L’inconvénient devint encore plus évident lorsque dans le conciliabule secret tenu en 1871, le conseil général, soutenu par un petit nombre de délégués, décida d’employer les forces de l’Association à provoquer une agitation électorale. Ceci fit réfléchir les gens à l’action funeste de tout gouvernement, même quand ses origines sont démocratiques. Ce fut la première étincelle de l’anarchisme. La Fédération Jurassienne devint le centre de l’opposition organisée contre le conseil général.

La division en deux couches, — les chefs et les ouvriers,